23 juillet 1945 – Thérèse Adloff écrit à son amie Lucienne

23 juillet 1945

Ma chère Lucienne,

J’ai été très heureuse de votre retour, malgré toutes vos péripéties votre groupe a laissé moins de cadavres que le nôtre. Vous savez que nous sommes parties 120 de Jauer nous ne sommes pas rentrées 40. Georgette Grand, Louise Fenouil, Mme Barreau, Maman Pascal, Andrée Buotte, Yvonne Buratti, Mme Boze pour vous citer celles que vous connaissiez bien. Nous avons été emmenées à Ravensbrück, ce camp d’extermination des femmes où nous avons tant souffert, puis le 1er mars ce faut Mauthausen en Autriche camp de mort où les horreurs ont dépassé Buchenwald et Dachau. Nous fûmes délivrées le 22 avril par la Croix Rouge Suisse venue nous chercher. Je pesais 40 kilos vous ne m’auriez pas reconnue. Maintenant, cela va à peu près. J’ai repris 26 k mais j’ai le coeur malade et je dois me soigner sérieusement mais ce n’est rien à côté des effrayantes visions de Mauthausen. Mme Yvonne Coantrie (?) est morte là elle aussi. Tout comme vous j’ai retrouvé les enfants changés. Ma petite Lou surtout qui travaille toujours bien et René qui a été un brave petit maquisard et qui est très fier de ses exploits FFI, il en est malheureusement trop restés. Les pauvres petits ont été pourchassés et ceux qui furent pris ont été torturés puis fusillés sans pitié. Avez-vous des nouvelles de votre mari ? Il ne faut pas désespérer tant qu’il y en aura du côté russe. Je sais bien que c’est long quand il faut attendre et passer par des alternatives d’espoir et de découragement mais vous avez toujours été si courageuse ma petite Lucienne que je suis persuadée que vous le serez encore même si vous deviez apprendre le pire. A vous lire bientôt, je vous embrasse bien affectueusement.

Thérèse Adloff